
Opinion | Décarbonation du bâtiment : une alliance pour agir plus vite et plus fort
Tribune collective parue dans Les Échos le 13/02
Une coalition d'industriels, d'associations, de bailleurs et de chercheurs forme une alliance pour relancer la décarbonation du bâtiment. Les professionnels du secteur ont besoin d'une nouvelle dynamique pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 d'ici 2050. L'Alliance pour la décarbonation du bâtiment souhaite, selon ses promoteurs « contribuer positivement à la réflexion des pouvoirs publics et de l'ensemble de la filière sur un certain nombre de sujets comme le réemploi et le recyclage des bâtiments et des matériaux, les nouveaux modèles de construction à faible impact, l'acceptabilité des chantiers de rénovation jugés comme non rentables ».
Le secteur du bâtiment émet 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Si l'on observe une tendance à la baisse depuis une vingtaine d'années, l'urgence climatique impose d'accélérer la production de bâtiments performants neufs et, surtout, réhabilités. La rénovation énergétique, en effet, constitue le levier d'action le plus efficace pour la décarbonation. Or, cet objectif est entravé par un contexte économique et social déprimé, des règles du jeu publiques et financières complexes et une multiplicité d'acteurs trop peu coordonnés.
Redresser la barre est un impératif. Le marché de la construction neuve est en repli. Celui de la rénovation est atone. L'ambition d'une réhabilitation énergétique de 600.000 logements et bâtiments par an d'ici 2030, par exemple, est devenue un simple vœu pieux. Au rythme actuel de quelques dizaines de milliers d'opérations annuelles, il faudrait plusieurs siècles pour mettre le parc aux normes de la neutralité carbone !
Pourquoi un tel retard ? Les cadres réglementaires et financiers paraissent souvent trop complexes et trop incertains, dans le contexte politique actuel, pour servir de base aux choix stratégiques des principaux acteurs que sont les commanditaires publics et locaux, les entreprises privées et les consommateurs finaux. Les dispositifs comme Ma Prime Rénov' ou le Zéro Artificialisation Nette des sols, les capacités de financement des collectivités locales, souvent discutés, méritent certainement corrections et stabilisations sur le long terme.
Une volonté publique erratique
Quant aux grands opérateurs, bâtisseurs ou énergéticiens, ils engagent des mutations vertueuses de leurs métiers mais leurs efforts se heurtent à une volonté publique parfois erratique. Dès lors, leurs engagements respectifs ne convergent pas toujours vers le dessein commun de la décarbonation du secteur, qui est pourtant une clé de voûte de la transition. Pour en assurer la faisabilité massive et rapide, il faut désormais agir. Rapidement et pragmatiquement.
« Il s'agit d'un projet fédérateur visant à réunir experts et scientifiques, acteurs publics et privés, grandes entreprises et start-up, collectivités locales et associations pour réfléchir aux solutions pratiques »
Voilà pourquoi, nous voulons rassembler les énergies et susciter les idées pour avancer plus vite et plus fort. Nous appelons l'ensemble des parties prenantes à constituer L'Alliance pour la décarbonation du bâtiment. Il s'agit d'un projet fédérateur visant à réunir experts et scientifiques, acteurs publics et privés, grandes entreprises et start-up, collectivités locales et associations pour réfléchir aux solutions pratiques à mettre en oeuvre afin de respecter les engagements de réduction des émissions du secteur à l'horizon de la décennie et de 2050.
Concrètement, nous souhaitons contribuer positivement à la réflexion des pouvoirs publics et de l'ensemble de la filière sur un certain nombre de sujets comme le réemploi et le recyclage des bâtiments et des matériaux, les nouveaux modèles de construction à faible impact, l'acceptabilité des chantiers de rénovation jugés comme non rentables, la prise en compte de leurs externalités positives, la modification des comportements en matière de consommation énergétique, l'amélioration des dispositifs de financement pour accélérer les rénovations, la mutualisation et le management des connaissances de la filière ou l'attractivité des métiers du bâtiment.
L'Alliance pour la décarbonation du bâtiment se donne pour mission d'être utile au débat public sur l'ensemble de ces questions. En constituant une plate-forme collective d'échanges et de propositions qui rassemble les idées, les expertises et les pratiques les meilleures, elle considère que la démonstration des expériences est essentielle pour avancer et réussir. En travaillant à une meilleure coordination et formation de la filière, elle vise à suggérer des solutions à la diversité et à la complexité des situations rencontrées sur le plan économique, administratif ou sociétal. Des petits pas le plus vite possible valent mieux que de grands pas dans un avenir incertain.
Le programme est ambitieux mais, nous semble-t-il, indispensable à l'aune du défi de la transition. Parce que nous ne nous satisfaisons pas des tergiversations ou des impasses, parce que nous avons, entre nos mains, la responsabilité d'un futur durable, parce que l'enjeu en vaut tout simplement la peine, nous voulons aider notre pays à cadrer, planifier et agir, bref à mettre la décarbonation du bâtiment au coeur des politiques publiques. Le temps presse.
Les signataires de cette tribune collective sont Gilles Berhault, Délégué général de Stop à l'exclusion énergétique, Christophe Caresche, président du Conseil Supérieur de la Construction et de l'Efficacité Energétique (CSCEE), Anna Creti, Professeure et directrice de la Chaire d'économie du climat à l'Université Paris-Dauphine, François Gemenne, Professeur à HEC, Marjolaine Meynier Millefert, Présidente de l'Alliance HQE-GBC, ancienne députée ; Bruno Peuportier, directeur de recherche à l'Ecole des Mines de Paris - PSL, Gérard Senior, président de Qualibat et Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette et conseiller régional.
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